L’expression artistique dans un pays contribue à l’épanouissement de son peuple et à l’entretien de la culture qui est ferment de toute souveraineté. Vu ainsi, l’artiste, étant celui qui permet cette réalité, arbore, ne serait-ce que par principe, un statut particulier dans la société. Mais ce statut reste un idéal dans beaucoup de pays pour les artistes qui juridiquement se retrouvent sans le moindre statut. Les artistes béninois n’échappent pas à cette réalité, même si le Fonds des arts et de la Culture allège quelque peu leurs tourments.

La simple évocation du Fonds des Arts et de la Culture (FAC) oriente sur sa vocation de contribuer à la promotion du patrimoine et des industries artistiques et culturelles. Mais le « caractère social » que lui confère le décret N°2018 du 30 mars 2018 portant approbation de ses statuts, lui permet aussi de mener des actions sociales à l’endroit d’artistes dans le besoin. Pour ce dernier aspect, l’institution est régulièrement sollicitée d’autant plus qu’à cette date, il n’y a pas autre recours pour l’artiste en difficulté sociale au Bénin.

Il n’est pas rare que des artistes ayant fait de beaux jours des arts et de la culture du pays se retrouvent en disgrâce sociale, à l’indignation de tout un peuple. Certains fans se poseront des questions sur la gestion de carrière, d’autres s’engageront à participer à une cagnotte aux fins de secourir un citoyen particulier qui a apporté ou qui apporte toujours de la joie dans les cœurs. Mais aussi vrai soit-il que l’artiste gagne de l’argent, celui-ci n’a pas forcément des revenus stables et pérennes comme dans d’autres corps de métier.

Le Bénin n’est pas un cas isolé, où on assiste à des situations de maladie, ou d’autres difficultés sociales sans moyens conséquents des célébrités artistiques concernées pour y faire face. En 2014, le président de la république de Côte d’Ivoire Alassane Ouattara a décidé d’offrir une pension mensuelle de 300 mille fcfa aux anciennes gloires ivoiriennes des arts et de la culture, sur sélection du ministre de tutelle. Dans un premier temps, 15 anciennes célébrités ont été prises en compte par cette mesure sociale et l’année suivante, le nombre de bénéficiaires est passé à 47. Cette panacée a réduit, un tant soit peu, le problème de précarité et permet aux récipiendaires de mieux vivre le restant de leurs jours.

De la loi et de la protection sociale de l’artiste

Au Bénin, les acteurs culturels comptent sur l’adoption et la vulgarisation du statut de l’artiste pour s’en sortir. Mais le chemin semble encore long.

Le conseil des ministres, en sa séance du mercredi 23 mars 2011, a adopté entre autres, le projet de décret portant statut de l’artiste en République du Bénin. Cependant, beaucoup d’éléments restent à regrouper afin que ce document soit considéré. Mais en attendant que le statut de l’artiste qui permettrait aux hommes et femmes de cette corporation de pouvoir bénéficier de certains privilèges dont des mesures sociales, certains artistes et acteurs culturels demandent mieux ou plus. Pour le dramaturge et metteur en scène Hermas Gbaguidi ainsi que d’autres compères à lui, il va falloir carrément corriger l’omission de la culture dans l’article 98 de la constitution du Bénin. Car c’est en cet article qu’il est stipulé les secteurs relevant du domaine de la loi en république du Bénin.

Ainsi, il sera plus facile de défendre le statut de l’artiste et tout autre document ou texte préservant les intérêts des créateurs d’œuvres de l’esprit au Bénin. Mais pour d’autres, c’est une question de volonté politique, ils en veulent pour preuve les investissements dans le tourisme qui n’est pas pour autant pris en compte par ledit article 98.

Pour l’heure, des urgences s’imposent et heureusement, peut-on dire, que le ministère de la culture a la possibilité de faire diligence à travers la direction du Fonds des arts et de la culture. Des vies sauvées de justesse, des carrières restaurées, etc., il faut noter un essai de proximité du Fac, à en croire les témoignages qui mettent en exergue la détermination de son directeur Monsieur Gilbert Déou Malè.

Le Directeur Général du FAC, Photo DR

L’artiste Im’rane, un témoignage expressif

Des cas d’intervention du Fonds par année, en la matière, sont légion mais le cas Im’rane, un chanteur et musicien talentueux a marqué beaucoup d’esprits. Aujourd’hui, ce fils du septentrion béninois est en studio préparant un album, avec une grande envie de dire sa gratitude au peuple béninois, à travers la qualité de l’œuvre en cuisine. Mais avant d’en être là, il a fallu un sursaut patriotique et une action salvatrice pour le tirer de « l’abîme ». Blaise Aldot Issifou Bossou, frère utérin très proche de l’artiste s’est confié, très ému :

 « L’engouement du peuple béninois et celui du ministère de la culture par le biais du Fonds des arts et de la culture, nous a rendus heureux. A notre niveau, cette bataille nous l’avons menée depuis plus de 15 ans parce que Im’rane a plongé dans l’abîme, ça fait exactement 19 ans. La question de Im’rane, ce n’est pas seulement la toxicomanie, d’ailleurs il n’est pas toxicomane, c’est vrai qu’il a créé une dépendance. Mais il était surtout dans une autre dimension spirituelle et mentale, pour ceux qui ne savent pas, c’est un gars très cultivé et instruit.  Et à des moments donnés, la remise en question ou la recherche d’un certain nombre de choses peut nous amener à dépasser les normes. Son problème n’est pas très naturel non plus.

Aujourd’hui, je voudrais remercier le peuple béninois pour son sursaut patriotique, et les autorités béninoises. Toute chose qui nous ragaillardit et nous a soulagé en famille et démontré que Im’rane n’est pas que pour la famille mais pour la nation béninoise. La direction du Fac a pris à cœur la santé de notre frère et sa réinsertion socioprofessionnelle à partir du cri d’alarme d’un acteur culturel de Parakou en la personne d’El- Hadj Zoro (Rodrigue Gotovi, Ndlr) qui a appuyé de nombreux autres appels à l’aide.

Tout en suivant toujours sa thérapie en famille avec l’accompagnement de deux médecins spécialistes, Im’arne est actuellement en studio et prépare son come-back à travers un album et je puis vous dire que la surprise sera de taille. Et tout ceci, bien entendu avec le soutien du Fonds des arts et de la culture. »

L’artiste Im’rane, ©César GABA

Im’rane remercie et s’engage

L’artiste même confirme qu’il est en studio mais avant il tient à témoigner puis remercier :

« J’ai été très marqué parce que je ne savais pas que j’étais aussi crédible que ça. Pour ma modeste personne, cela m’a été un chaud au cœur et ça me renforce aujourd’hui pour que je puisse absolument gagner davantage la confiance de ce peuple en lui proposant un très bon disque très bientôt. J’étais dépressif parce que je ne me sentais pas compris. Il y avait réellement déséquilibre parce que ce n’est pas toujours évident de vivre les hauteurs puis de subir une chute. Donc je ne voulais pas choir, je voulais absolument revenir à ma place, ce qui m’a valu une sérénité et en même temps une ardeur dans l’affrontement.

J’ai été vraiment marqué par la présence du directeur du Fac Monsieur Gilbert Déou Malè à mes côtés depuis le 17 octobre 2020. Cela s’est passé au cours d’un concert à Parakou où je prestais pour Mama Franco qui est décédé, j’étais avec son fils Siba Franco Junior. Après mon live, j’ai été interpelé par le comité du Fonds des arts et de la culture qui était venu de Cotonou. Cela m’a fait plaisir parce que dès le lendemain j’ai eu droit à une conférence de presse et j’ai quitté Parakou pour Cotonou avec cette équipe.

J’ai été ensuite admis dans un centre où ma santé a été revisitée. Actuellement je me porte très bien et je profite de l’occasion pour dire merci au Fac, à son directeur, en même temps, au gouvernement du Bénin et à son patron Monsieur Patrice Talon parce que j’ai senti réellement qu’il y a une chaleur qui venait depuis le haut. Cette crédibilité, je me battrai pour la défendre et la préserver. »

clip vidéo d’un titre culte (Bouyo) de Im’rane

Un exemple parmi tant d’autres qui montre le caractère social de ce fonds. En décembre 2020, pour soulager quelques artistes qui comme d’autres ont subi l’inactivité et une absence de revenus du fait de la pandémie à coronavirus, l’Etat béninois a puisé dans la cagnotte du Fac pour la mise en œuvre du projet « Actions artistiques au profit des acteurs culturels » (2Apac). La sélection des bénéficiaires a été faite dans la plupart les disciplines artistiques.

Les plaidoyers vont sans doute se poursuivre pour un statut juridique qui protège socialement l’artiste, et peut-être une augmentation de la cagnotte du Fac en attendant, afin qu’un plus grand nombre de créateurs d’œuvres de l’esprit soit à l’abris.

Caricature de couverture ©L’art’boratoire

Journaliste critique, Communicant culturel. Fondateur du Groupe AWALE AFRIKI

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