
Le mardi 29 juin, le Directeur général du Fonds des arts et de la culture (Dg/Fac) a rencontré la presse pour apporter plus d’informations sur la présence du ministère du tourisme, de la culture et des arts, à travers cette direction, aux côtés des artistes en cas de maladie. Toute chose qui se fait sans l’intérêt de communiquer autour à chaque fois, fait-il savoir, en confiant que « ce n’est pas un plaisir pour l’État de se mettre à crier sur tous les toits en disant : tel citoyen est malade et pis encore, qu’il s’agit de telle maladie ». Monsieur Déou Malè a profité de cette interview pour rappeler la procédure à suivre afin de bénéficier de ladite assistance en cas de besoin.
Ces derniers temps, nous lisons sur les réseaux sociaux que tel ou tel autre artiste est malade mais le Fonds des Arts et de la culture (Fac) ne lui est pas venu en aide. A la suite de ces commentaires, nous constatons que la direction générale du Fac descend sur le terrain pour porter assistance et secours à l’artiste malade. Alors, dites-nous, pourquoi c’est après ces commentaires et critiques que vous descendez pour porter assistance aux artistes malades ?
Au niveau du Fonds des arts et de la culture qui est né réellement en 2018, parce que c’est le Fonds d’aide d’alors qui est devenu Fonds des arts et de la culture. Il faut dire que l’assistance aux acteurs culturels et aux artistes en cas de maladie ou l’accompagnement de leurs parents en cas de décès ne date donc pas de 2018, seulement que c’est à partir de là qu’il y a eu des réformes qui ont cadré, encadré un peu la manière, la méthode.
C’est donc une pratique qui est réelle au Fonds des Arts et de la Culture. Mais c’est de loin qu’on pense que c’est quand les artistes montent au créneau à travers les réseaux sociaux que le Fac accompagne. C’est une très mauvaise lecture, la preuve est que le nombre de ceux pour qui les gens montent sur les réseaux sociaux pour crier ne signifie rien par rapport à celui de ceux qui sont réellement accompagnés avec cette ligne budgétaire là. Par exemple en 2018 déjà, nous avons assisté près de 106 artistes malades. Si sur les 106, deux ou trois montent au créneau pour crier, vous voyez que ce n’est pas juste de dire que c’est parce qu’ils ont crié que le Fac a réagi.
En 2019, nous en avons accompagné 84 et 83 en 2020. Actuellement en 2O21, nous ne sommes pas encore à la fin de l’année, mais nous sommes déjà à une vingtaine. Pour ce qui est récent, sur la vingtaine, à peine deux à trois sont montés sur les réseaux sociaux pour crier. Une fois encore, ce n’est pas quand les artistes crient que nous accompagnons. Ça, c’est pour planter le décor.
Il faut dire que le gouvernement a inséré cette ligne-là au niveau du Fac pour plusieurs raisons. Premièrement, vous devez remarquer que le Fac ne communique pas sur les cas de maladies ou de décès parce que ce n’est pas reluisant, ce n’est pas un plaisir pour l’État de se mettre à crier sur tous les toits en disant : « tel citoyen est malade et pis encore, qu’il s’agit de telle maladie ». Donc, il se fait que sur le plan social, puisqu’on ne communique pas assez sur cette ligne-là, d’aucuns pensent que le gouvernement ne fait pas du social à l’endroit des artistes. Et, c’est en cela que quand les artistes se mettent à crier sur les réseaux sociaux, ça nous désole. Je vous ai dit qu’en 2018 on en avait accompagné 106, et si on devrait se mettre à communiquer autour de chaque cas, à travers la radio et la télévision, vous-même, voyez. Alors que ce dont il est question n’est pas à publier. Nous estimons que ça ne fait pas bien que l’État se mette à parler de la santé, à publier, à faire des communications sur l’état de santé des citoyens.
Le chef de l’État a voulu que cette ligne-là reste au sein du Fac parce que dans les années antérieures avant l’arrivée au pouvoir du Président Patrice Talon, la culture et le tourisme étaient relégués au second plan. Et il a décidé de faire du tourisme et de la culture, le deuxième levier de développement en dehors de l’agriculture. Parce que pour créer une nouvelle filière, il faut mettre à sa disposition tous les atouts qu’il faut pour prospérer. Car aujourd’hui, il est question pour nous de créer un nouveau type d’acteur culturel qui se positionne comme un acteur de développement. Et pour réussir, il faut un artiste, un acteur culturel, un promoteur en bonne santé, mais il se fait que l’artiste ne vit pas de ce qu’il fait. Comment peut-il se soigner, si on ne l’accompagnait pas ?
Est-ce à dire que ceux qui exposent leur maladie sur les réseaux sociaux ne maîtrisent pas la procédure ou ne remplissent-ils pas les critères pour être éligibles à cette assistance ?
Les causes sont à deux niveaux. Le premier niveau, c’est le patient lui-même. Le pire qui puisse arriver à un homme, c’est la mort. Et personne ne veut mourir. Donc lorsque l’artiste a fini d’épuiser ses maigres ressources, il se dit : « c’est la mort qui m’attend, je dois faire feu de tout bois pour ne pas mourir ». Et quand c’est lui-même qui a l’opportunité, il crie au secours. Quelqu’un qui se noie et qui se met à crier, on ne peut pas trop le condamner. Mais en réalité, et c’est là le deuxième niveau, les autres acteurs qui connaissent la procédure, ils devraient l’aider. Donc c’est ceux qui sont bien portants qui devraient corriger le tir ; mais on se rend compte plutôt que ce sont eux qui enfoncent le clou.
Nous avons fait le tour du Bénin pour expliquer aux artistes la conduite à tenir en cas de maladie. L’État ne peut pas autoriser qu’on gère les ressources publiques à travers les réseaux sociaux, ce n’est pas possible. Lorsque vous tombez malade, la procédure indique que vous saisissiez le Fac pour lui faire part de votre état et surtout de ce que vous avez fait et ce que vous attendez de l’État. Donc il y a des conditions et des critères et c’est une opportunité pour les artistes, les promoteurs et acteurs culturels. Néanmoins, on ne saurait traiter tous les cas de maladies, on ne saurait transformer le Fac en une maison de retraite.
C’est pour cela que nous sommes en train de les accompagner petitement. Mais en amont on travaille à leur changer de mentalité pour qu’ils sachent que c’est quand on est valide qu’on prépare sa retraite, qu’on prépare ses derniers jours. Vous prenez un artisan au Bénin, il arrive à souscrire un petit quelque chose chez les tontiniers pour ses besoins. A la fin de l’année, le tontinier peut lui remettre 1million ou 1million cinq et pourtant cet artisan arrive à aller aux soins, il se marie, fait des enfants et il envoie ses enfants à l’école. Puis, il fait les démarches pour acheter un petit terrain quelque part dans l’atlantique, il construit et il vit là.
C’est par an qu’il arrive à trouver ces 1million ou 1 million cinq. Mais un artiste, un acteur ou promoteur culturel qui fait un seul événement dans l’année a déjà ce montant et pourtant il n’arrive pas à s’organiser pour se soigner. Est-ce c’est la faute à l’État ?
Alors, qu’est-ce que vous leur proposez en tant que directeur du Fac ?
Il ne s’agit pas de faire des propositions, mais de les amener à une prise de conscience ou de leur créer les conditions pour qu’ils puissent cotiser pour une assurance maladie. C’est dans ce cadre que l’arrivée du projet Arch (Assurance pour le renforcement du capital humain, Ndlr) serait salvatrice pour les artistes, les acteurs et promoteurs culturels. Mieux, il y a la maison de l’artiste qui est en cours de création qui va gérer la carrière de l’artiste, de l’acteur et du promoteur culturel. J’estime qu’avant que tout cela ne prenne corps, il faut quand même faire quelque chose, c’est pour cela que nous continuons de les accompagner petitement en cas de maladie. Et à ce niveau, il y a deux cas. Il y a l’artiste qui est malade qu’on accompagne et il y a ce qu’on fait pour l’artiste en cas de décès. Et là, il ne s’agit pas d’enterrer les artistes, c’est de leur rendre hommage. Donc quand un artiste décède, ce n’est pas l’État qui l’enterre, ce sont ses parents qui organisent l’enterrement de leur parent défunt. Et pour service rendu à la nation, à la société, on peut rendre hommage à un artiste. Puisque comme on le dit, l’artiste ne meurt pas.
Quels sont les cas de maladies que ne prend pas en compte le FAC ?
C’est deux cas. Il y a des cas extrêmes de maladies qui nous dépassent et des cas pour lesquels on n’a pas besoin de recourir à nous. Lorsque vous venez par exemple avec un cas de paludisme, nous vous disons de vous arranger pour vous soigner.
Lorsque l’artiste est agonisant et n’arrive pas à se déplacer pour faire les formalités, qui peut-il le remplacer pour faire les formalités afin de solliciter l’assistance du FAC ?
En principe, lorsque vous tombez malade et que vous ne vous y prenez pas tôt, et que la maladie vous submerge totalement, on ne peut pas vous obliger à vous asseoir et écrire pour saisir le Fac. Mais un de vos parents peut le faire. Il suffit pour ce parent de donner la preuve que vous êtes parents. Le malade lui fournit ses pièces parce que le dossier qui se dépose au Fac n’est pas un dossier qui concerne le parent, mais c’est un dossier qui concerne celui qui est malade. Et la preuve de ce que vous êtes un promoteur ou un artiste ou du moins dans le secteur de la culture, c’est l’attestation que vous délivre la Direction des arts et du livre (Dal).
Mieux, vous devrez montrer réellement que vous êtes malade, et la seule pièce qui le prouve, c’est le certificat médical. Au cas où vous n’arriveriez pas à le faire et que vos parents ne sont pas instruits, il y a possibilité de nous saisir par une simple lettre manuscrite. Vous n’avez pas besoin de savoir travailler à l’ordinateur. Pour mieux canaliser les artistes, parce que les gens ont tôt fait de se proclamer artistes quand ils sont malades, aujourd’hui, aucun artiste digne de ce nom n’évolue en singleton. Ils sont tous dans des fédérations et confédérations. Donc les responsables de ces regroupements corporatistes peuvent directement saisir le Fac et d’ailleurs cela inspire même plus confiance et là on est certain que vous êtes du domaine.
Pour avoir cette attestation d’artiste, quelles sont pièces à fournir ?
C’est la Dal qui délivre et non le Fac. Vous avez des conditions à remplir là-bas et on vous délivre la preuve qui atteste que vous êtes artiste, que vous êtes du domaine de la culture. Le Fac ne peut donc pas délivrer aux artistes l’attestation avant de les aider. Vous pouvez vous rapprocher de mon collègue de la Dal pour qu’il vous explique davantage les conditions à remplir. Et tous les artistes le savent, c’est là que le bât blesse. Aucun artiste n’ignore que lorsqu’on est malade, il faut saisir le Fac, ils le savent tous et eux seuls peuvent savoir pourquoi ils préfèrent les réseaux sociaux.
Quel message avez-vous à lancer aux artistes et aux populations ?
Je voudrais dire ici haut et fort que pour le volet social, le gouvernement fait beaucoup pour les populations. Mais pour notre cible, ce qui nous concerne, c’est les artistes, les promoteurs et acteurs culturels ou du moins tous ceux qui interviennent dans le secteur de la culture. Cette ligne budgétaire qui permet de les accompagner, c’est déjà du social, les accompagner dans la mise en œuvre de leur projet est déjà du social parce que ce n’est pas un prêt, c’est du social.
Lorsque vous finissez par exemple vos études en médecine et que vous voulez ouvrir un cabinet, vous ne vous adressez pas à une structure du ministère de la santé pour bénéficier d’un accompagnement financier afin d’ouvrir votre cabinet. De la même manière, lorsque vous finissez l’école normale supérieure et que vous voulez ouvrir votre école privée, vous ne vous adressez pas au ministère de l’enseignement pour bénéficier de quoi que ce soit. Vous allez dans votre banque, vous contractez un prêt, vous ouvrez votre école, vous commencez à payer les impôts et là vous êtes dans le secteur formel.
Mais ici, comme je vous l’ai dit à l’entame, c’est une filière que nous voulons valoriser. Donc, on a allégé la tâche aux acteurs du secteur. Vous avez un projet et vous venez, le Fac vous accompagne financièrement, c’est du social. Mais on ne saurait continuer à accompagner les mêmes artistes toute leur vie. C’est pourquoi désormais, il est question d’accompagner les artistes dans un élan d’autonomisation. Nous travaillons donc à professionnaliser le secteur. C’est en cela qu’on peut créer un artiste, un acteur culturel demain qui ne soit plus un mendiant qui tend la main. Un acteur culturel est désormais pour nous quelqu’un qui participe à la création de richesse, et on va les amener progressivement à quitter le secteur informel pour se positionner dans le secteur formel, et participer donc au Pib (Produit intérieur brut, Ndlr) et qu’on ne traite plus le secteur de la culture comme un secteur de plus.
Alors ce travail qui se fait a besoin d’être connu, non seulement des acteurs culturels, mais du public pour que le contribuable sache ce que l’Etat vise en offrant aux acteurs culturels ces conditions alléchantes.
Transcription : Awalé Afriki
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